22 novembre 2009

Le nom de la rose

Bien que j'ai vu le film plus d'une fois, j'ai été ravi de lire le livre pour les détails, le vécu des personnages, leurs pensées, les explications. Je ne parle pas des textes en latin et des prêches, des sermons: c'était un peu trop pour moi.
J'ai scanné un passage qui montre la richesse de l'écriture comparée au film.

"Guillaume enfila les mains dans sa coule, qui s'ouvrait sur sa poitrine pour former une poche, et en retira un objet que je lui avais déjà vu dans les mains, et sur son visage, au cours du voyage. C'était une fourche construite de manière à pouvoir tenir sur le nez d'un homme (et mieux encore sur le sien, si proéminent et aquilin) comme un cavalier se tient sur la croupe de son cheval ou comme un oiseau sur un juchoir. Et de chaque côté de la fourche, de façon à correspondre aux yeux, s'arrondissaient deux cercles ovales de métal, qui enserraient deux amandes de verre épaisses comme des fonds de chope. Guillaume lisait de préférence avec cela sur les yeux, et disait y voir mieux que nature ne l'avait doué, ou que son âge avancé, surtout au déclin du jour, ne le lui permettait. Ces verres ne lui servaient pas à voir de loin, car son regard était des plus aigus, mais à voir de près. Grâce à eux, il pouvait lire des manuscrits aux lettres minuscules, que je peinais presque à déchiffrer moi-même. Il m'avait expliqué que, lorsque l'homme était arrivé au-delà de la moitié de la vie, même si sa vue avait toujours été excellente, son œil durcissait et renâclait à adapter la pupille, à telle enseigne que de nombreux savants étaient comme morts à la lecture et à l'écriture après leur cinquantième printemps. Grave malheur pour des hommes qui auraient pu donner le meilleur de leur intelligence pendant nombre d'années encore. Raison pour quoi il fallait louer le Seigneur que quelqu'un eût découvert et fabriqué cet instrument. Et il me disait cela pour soutenir les idées de son Roger Bacon affirmant que le but du savoir était aussi de prolonger la vie humaine.

Les autres moines regardèrent Guillaume avec beaucoup de curiosité, mais ne risquèrent aucune question. Et de mon côté, je m'aperçus que, fût-ce dans un lieu aussi jalousement et orgueilleusement consacré à la lecture et à l'écriture, cet admirable instrument n'avait pas encore pénétré. Et je me sentis fier d'accompagner un homme qui avait en sa possession quelque chose digne d'étonner d'autres hommes fameux dans le monde pour leur sagesse."

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